L'acoustique systémique avec Patrick Thévenot

Conception des cabines de mixage : Au-delà de l’acoustique classique, l’acoustique systémique

Qu’est-ce que l’acoustique classique ?

On parle d’acoustique classique surtout pour les traitements d’acoustique interne concernant les lieux d’enregistrement et plus spécifiquement les cabines de mixage, mastering, montage, etc.

Celle‐ci prend en compte les normes globales (ITU, AES, ISO) qui se réfèrent à un type de production (Par exemple : TV & Broadcast, Musique, Cinéma, Jeux‐vidéo, ...). Ces normes spécifient les performances acoustiques mesurables de la salle comme par exemple, le RT60 / fréquence et aussi liées aux enceintes monitoring comme le niveau d’alignement et leurs positions géométriques, sans aller plus loin.

En quoi consiste l’acoustique systémique ?

L’acoustique systémique englobe plus d’éléments en considérant que le résultat final inclut :

• Les caractéristiques électroacoustiques des enceintes comme la réponse impulsionnelle, la courbe de réponse en fréquence et en directivité (contrôlée ou pas), la linéarité en régime harmonique et transitoire, la compression globale et dynamique en fonction de la fréquence, etc.
• Le couplage physique des enceintes à la salle dans le grave et bas‐médium.
• La maîtrise des premières réflexions (couplage psychoacoustique, effet de fusion* modifiant le son direct perçu).
• Le positionnement optimal des enceintes et du point d’écoute (sweet spot) par rapport à l’ergonomie du local.
• Les besoins de l’exploitant liés au type de production (broadcast, TV, jeux vidéo, variété,
• classique, rap et électro, etc.) ainsi que sa culture d’écoute (occidentale, orientale, africaine, etc.).
• La prise en compte de la qualité énergétique du lieu grâce à l’analyse géobiologique comme les influences venant du sous‐sol (cours d’eau souterrains, réseaux de Hartmann, etc.), les mémoires subtiles du lieu et les pollutions environnementales. Ces dernières sont de plus en plus importantes! On peut citer, les émissions électromagnétiques (WIFI, ondes GSM 4G‐5G, émissions EDF liées aux lignes haute tension, relais, transformateurs, courants porteurs, etc.) et bien sûr la qualité de l’air et de l’eau (zones agricoles ou urbaines). La qualité énergétique du lieu a une grande influence sur le bien‐être et la fatigue perçue lorsque nous nous trouvons sur le lieu. C’est un aspect souvent négligé car non conscient dans nos sociétés modernes et pour lequel j’ai noté par expérience une forte incidence sur la réussite des projets et sur l’exploitation des lieux.

* Etude factuelle sur l’assimilation auditive des premières réflexions avec le son direct, en fonction du temps et le la fréquence.

Quelles en sont les applications et les contraintes ?

• L’approche systémique peut s’appliquer à de nombreux domaines où le son est une composante fondamentale comme les lieux de séminaires, bien‐être, développement personnel, auditorium, salle de spectacle et bien sûr, les studios d’enregistrement et cabines de mixage.

La principale contrainte est d’avoir une approche globale et si possible, dès le départ du projet car tous les éléments de celui‐ci interagissent les uns sur les autres, c’est ce qu’on appelle ‘un système’.

Si nous n’avons pas conscience de ce système, mais une prise en compte séparée de chacun de ces éléments, alors l’ensemble de ces éléments ne sera jamais optimal. En mathématique, il est une règle bien connue qui s’énonce ainsi : « l’optimum d’une somme n’est pas égal à la somme des optimums ».

Cette démarche impose aussi de procéder en étapes ordonnées selon un algorithme précis :

1. Etablissement d’un diagnostic géobiologique préalable, puis corrections éventuelles (intervention d’un spécialiste du domaine).
2. Mesures acoustiques in situ (ou prévisionnelles) dans le grave de l’acoustique du lieu. Corrections (ou détermination d’un traitement préalable), ceci en tenant compte des enceintes qui elles‐mêmes sont choisies en fonction du circuit de production et de la culture d’écoute.
3. Optimisation et corrections électroacoustiques à l’aide d’un processeur avec ou sans modification du traitement acoustique dans le grave (couplage et maîtrise des ondes stationnaires).
4. Ajustement de l’acoustique dans le médium‐aigu si nécessaire et corrections finale à l’aide du processeur en tenant compte du couplage psychoacoustique (égalisation physio‐ temporelle liée à ‘l’effet de fusion’ entre son direct et premières réflexions).
5. Analyse auditive en utilisant des critères d’écoute objectifs et ajustement de la transportabilité du mixage vers le client utilisateur (en corrélation avec les mesures de C20 et de C variable*).

* mesure spécifique avancée qui tient compte de la constante de temps de notre oreille en fonction de la fréquence.

En quoi cette approche fait une différence sur le résultat final ?

L’acoustique systémique permet de traiter et optimiser chaque élément les uns en fonction des autres et non indépendamment. Ainsi, une bonne enceinte monitoring n’existe pas si on ne prend pas en compte l’acoustique de la salle et inversement !

De même, la transportabilité du mixage doit être prise en compte et garantie, en lien avec le type de production.

Enfin, la fatigue auditive perçue doit être minimisée grâce à l’harmonisation du couple enceintes/salle, ainsi qu’à la maîtrise et la correction des nuisances décelées via à la géobiologie.

Ce sont grâce à tous ces aspects pris en compte simultanément que le résultat final ne sera plus le fruit du hasard mais une construction méthodique garantissant celui‐ci. Pour conséquence, cette approche permet également un gain de temps important sur les mixages et productions réalisés.