Rencontre avec David Hadzis : un gardien du patrimoine musical mondial
Se voyait-il un jour en haut de l’affiche comme Charles Aznavour ? Peut-être. Car, à la fin des années 1980, David Hadzis a brièvement foulé la scène en tant que chanteur. Il s’était rendu à Cannes dans le cadre du Midem pour présenter un single lors d’un showcase organisé par la Suisa, la société suisse de gestion des droits d’auteur. « Un monsieur est venu me donner sa carte : c’était Claude Nobs ! », raconte-t-il avec émotion. Cette rencontre avec le fondateur du Montreux Jazz Festival et directeur européen de Warner Music a été décisive. Elle a ouvert à David Hadzis les portes du monde de la musique, dans lequel il œuvre encore aujourd’hui, mais dans l’ombre, là où l’impact est souvent essentiel bien que discret.
De la lumière à l’ombre : une vocation au service de la musique
Bien qu’il ait composé ses premières chansons au piano à seulement 14 ans, David Hadzis a finalement choisi une carrière loin des projecteurs. Fondateur du studio Arthanor Productions, il est aujourd’hui chef de projet de la United Music Foundation, une organisation genevoise à but non lucratif dédiée à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine musical menacé de disparition.
Cette mission n’est pas anodine. « Tandis que les cinémathèques préservent la mémoire du cinéma depuis les années 1930, peu de choses ont été faites pour protéger le patrimoine musical enregistré », souligne-t-il. La prise de conscience mondiale a été brutale lorsque le New York Times a révélé, en 2019, que plus de 500 000 bandes originales d’Universal Music avaient été détruites dans un incendie, privant l’histoire musicale de trésors irremplaçables. Pour Hadzis, sauver ces archives est un véritable acte politique.
Un studio à domicile pour restaurer des trésors oubliés
Installé dans le quartier de Florissant à Genève, son studio a vu passer des artistes de renom tels que Petula Clark et Charles Aznavour. Parmi ses travaux emblématiques figure le "remastering" de l’album Tourist de St Germain qui est sorti chez Blue Note en 2012 et la restauration des bandes du premier album des Young Gods, pionniers du rock industriel romand.
David Hadzis est aussi à l’origine de projets majeurs, comme un coffret regroupant des enregistrements rares de Sidney Bechet, qui a valu à la United Music Foundation le Prix de la meilleure réédition de l’Académie du jazz de Paris, ainsi qu’un double album de Nicole Croisille comprenant des morceaux inédits. Mais son travail ne s’arrête pas là. Il continue de dépoussiérer des archives oubliées, souvent menacées par l’obsolescence des formats et le passage du temps.
Une amitié musicale avec Petula Clark
Parmi les nombreuses restaurations réalisées par Hadzis, celle du concert A Valentine’s Day Concert at the Royal Albert Hall de Petula Clark, enregistré en 1974, tient une place particulière. Ce double album d’une incroyable vivacité met en lumière une Petula Clark au sommet de son art, interprétant des titres de Stevie Wonder, Burt Bacharach et Leon Russell, entre autres. « Il m’a fallu entre six et douze heures de travail par morceau, soit environ 2000 points de restauration au total », explique Hadzis. Le résultat est spectaculaire, chaque morceau retrouvant une clarté et une richesse sonore remarquables.
Un appel à l’action pour préserver la mémoire musicale
Il reste tant à faire : des concerts inédits de grandes figures de la chanson, du jazz et des musiques de films attendent encore d’être sauvegardés.
L’enjeu est de taille, car selon l’Unesco, il ne resterait qu’une quinzaine d’années avant que de nombreux documents audiovisuels ne disparaissent définitivement. « Nous devons agir maintenant pour empêcher cette perte irrémédiable », conclut David Hadzis, bien décidé à poursuivre son combat pour préserver la mémoire musicale mondiale.
Découvrez notre interview exclusive avec David Hadzis, où il revient sur son parcours, ses projets et les enjeux cruciaux de la préservation du patrimoine musical.
Lien vers la United Music Fondation : https://www.unitedmusic.ch/fr/