MIXAGE

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Dans les coulisses d'une session d'enregistrement avec le groupe "Leventon"

En novembre 2023, le groupe Leventon s’est aventuré dans une expérience d’enregistrement unique, dans le cadre d’une formation immersive organisée à l'Abbey Road Institute animée par Pierre Jacquot. C'est dans ce lieu mythique, berceau de quelques-unes des plus grandes productions musicales de l’histoire, que le groupe a pu explorer les secrets du son en studio.

Cette session exceptionnelle a permis aux participants de suivre étape par étape la création d’un projet d’enregistrement, et de saisir toutes les subtilités et techniques qui transforment une simple idée musicale en morceau abouti.

Dans cet article (et cette video), je vous invite à découvrir la décomposition de cette session d’enregistrement, en vous plongeant dans les coulisses de cet enregistrement.

La SSL 9K de l'Abbey Road Institute

La feuille de patch

Une feuille de patch studio (ou patch sheet) est un document de référence utilisé en studio d’enregistrement pour organiser et indiquer les connexions audio entre différents équipements. Elle permet de garder une vue d’ensemble claire des connexions entre les microphones, préamplis, convertisseurs, et périphériques externes (compresseurs, égaliseurs, effets, etc.). C’est un outil essentiel pour les ingénieurs du son et les assistants car il facilite la gestion des nombreux câbles et équipements utilisés dans une session d’enregistrement.

Voici les principaux éléments que l'on peut trouver dans une feuille de patch studio :

1. Liste des microphones
  • Nom du micro : par exemple, Neumann U87, Shure SM57, AKG C414.
  • Position : où est placé le micro (par exemple, devant l’ampli guitare, sur la caisse claire, etc.).
  • Canal : le numéro du canal sur la console ou la carte son où le micro est connecté.
  • Caractéristiques : parfois, des informations supplémentaires comme le type de micro (dynamique, à condensateur) et sa directivité (cardioïde, omnidirectionnel, figure en huit).
2. Liste des périphériques (outboard gear)
  • Nom du périphérique : par exemple, un compresseur Universal Audio 1176, un égaliseur Pultec EQP-1A, un reverb Bricasti M7, etc.
  • Fonction : l’usage spécifique du périphérique (compression, égalisation, réverbération, délai, etc.).
  • Position dans la chaîne de signal : par exemple, sur quel canal ou sur quelle tranche il est inséré.
  • Paramètres (facultatif) : parfois, les réglages importants (comme les taux d'attaque et de relâchement pour un compresseur) sont indiqués si des préréglages spécifiques sont utilisés pour la session.
3. Autres détails techniques
  • Schéma des connexions : un visuel des connexions de chaque périphérique, micro et canal peut être inclus, pour donner une vue d’ensemble rapide.
  • Routing et bus : les bus utilisés pour chaque piste, les sous-groupes, et comment les signaux sont envoyés et mélangés.
  • Patchs numériques (si applicable) : dans un setup hybride avec une console numérique ou une carte son, il peut y avoir des informations sur le routage numérique dans l’interface audio ou le DAW (Digital Audio Workstation).
Micro/PériphériquePosition / UtilisationCanal d'entréeCanal de sortie
Neumann U87Voix principalePréampli 1Interface IN 1
Shure SM57Caisse clairePréampli 2Interface IN 2
Universal Audio 1176Compresseur voixInterface OUT 1Interface IN 3
Lexicon PCM 70RéverbérationAuxiliaire 1Auxiliaire retour
Exemple de feuille de patch simplifiée

Dans notre cas, voici la feuille de patch que nous avons utilisé pour cette session :

La grosse caisse :

Nous avons utilisé un kit de batterie tout à fait classique pour cette session, disposé au centre du plateau. Nous avons utilisé pour tous les micros le préampli de chez NEVE 1073 OPX.

Pierre Jacquot a une façon bien à lui de prendre le son de la grosse caisse : pour que l’onde « se développe », il pose un microphone large membrane à distance de la peau de résonance.

  • Problème : Ce micro prend aussi l’ensemble de la batterie (en particulier la caisse claire et les cymbales).
  • Solution : construire une cabine isolante pour séparer ce signal dans le mix.

Thomas Antoine avec sa marque Repercussion a donc développé pour Pierre Jacquot un système original avec 2 objectifs acoustiques :

  • Isoler le microphone
  • Donner une forme au volume interne favorisant une concentration des ondes vers le microphone

C’est l’ellipse qui a été retenue, en imaginant que l’un de ses foyers est le point d’impact de la batte sur la peau de frappe, et l’autre est le microphone. Les distances caractéristiques sont issues de l’expérience de Pierre. Le système est modulaire en 2 segments : l’un allant jusqu’à 18 pouces de diamètre, l’autre jusque 24 pouces. De nombreuses embases sont disposées de manière à pouvoir ajouter plusieurs micros : en « entrée » du système (peau de résonance) et au foyer par exemple.

Sur ces embases, nous avons disposé 3 micros :

  • un Audix D6
  • un Neumann U47 fet
  • un DPA 4055

Dans cette espèce d’ogive, toutes les réflexions s’ajoutent les unes avec les autres, pour obtenir un maximum de grave au bout. C'est à cet endroit que nous avons placé le DPA pour obtenir une belle restitution des fréquences basses comme il sait bien le faire. Le Neumann U47 va nous servir à obtenir le son de la peau. C'est un classique pour beaucoup d'ingénieur du son. Il est capable d'encaisser de très fortes pressions sans aucun problème. l'Audix va nous permettre d'avoir l'impact de la pédale. Sur la grosse caisse, qui a un plan de diffusion horizontal, il est toujours intéressant d'avoir un micro d’attaque en proximité, mais un 2e au même endroit n’a pas vraiment d’intérêt, l’idée est de le reculer pour avoir plus de développement  du grave.

La caisse claire et les toms

Pour la caisse claire, nous avons opté pour des Neumanns KM 84 : qui n’ont rien à voir avec le KM184. C'est un micro electret avec une grande sensibilité et de directivité cardioïde. Nous l'avons disposé de façon à ce qu'il vise le centre. C’est là que la caisse claire va donner le plus de fondamentales, le plus de grave. L’idée c’est de toujours prendre le son avec le plus de richesse en bas puis son contenu harmonique. Il faut un petit peu de distance pour avoir un bout de la « période » de longueur d’onde.

Le micro timbre est intéressant sur des caisses claire épaisses, la propagation du son se fait du haut vers le bas. Donc très souvent on inverse la polarité.

Pour les toms, nous avons la même approche que la caisse claire au niveau de la disposition. Nous avons utilisé un Neumann TLM 170 en cardioïde.

Le charley

Pour le charley nous avons utilisé un Schoeps M221, micro à lampe avec une AC701 qui peut être omni ou cardio, avec un signal de sortie assez élevé.

Les cymbales comme le charley, fonctionnent comme un multi résonateur. A l’inverse d’une peau, on va avoir la concentration de l’aigu en rapport avec la surface, c’est à dire que si on s’éloigne du centre, on va avoir plus de grave. Dans une situation où le charley est isolé des autres éléments, en plaçant le micro un peu plus haut on peut avoir un son plus équilibré.

Dans notre cas, nous avons dû le placer assez proche. Selon la directivité du micro comme ici un cardioïde, vous risquez d’obtenir un autre timbre en l’inclinant car on sort du lobe de directivité.

Les overheads

Nous avons vu que la batterie est constituée de plusieurs éléments séparés. Les overheads permettent de réunir l’ensemble de ses instruments dans un seul espace.

On dit souvent "les" overheads, tout simplement parce que l'on va utiliser très souvent un couple de micros. C'est à travers leurs dispositions que l'on va représenter la stéréo de notre batterie. D'où l'importance d'un bon placement pour transmettre le réalisme du son de la batterie et surtout la précision de sa stéréo qui va nous permettre une bonne répartition des éléments dans notre mixage.

Avec une prise au couple, il y a une relation angulaire à la source qui se crée. Si vous placez un couple au dessus d'une batterie, il faut savoir quel angle de couverture va être obtenu. Si vous prenez un couple AB avec une grande distance, vous allez avoir une couverture qui va aller très au-delà de la batterie et vous aurez déjà de l’ambiance dans les OH.

Il ne faut pas confondre overhead et micro de cymbales. Si vous utilisez des micros pour les cymbales, ils ne vont servir qu’aux cymbales. Un micro placé "en dessous" des overheads peut être considéré comme un micro « spot » qui va définir la source, un micro dit de « proximité ».

Cette notion de distance du micro par rapport à la source est un élément clé dans une prise de son. Il est important de connaître la distance critique de votre salle. La distance critique est un concept fondamental en prise de son, qui désigne la distance à partir de laquelle le niveau sonore du son direct et celui du son réverbéré (ou ambiant) se retrouvent à peu près égaux. Connaître cette distance est essentiel pour le placement optimal d'un microphone dans une pièce.

Voici quelques éléments clés :

  1. Son direct vs. son réverbéré : Le son direct est le son provenant directement de la source sonore (par exemple, un instrument ou une voix) et se dégrade moins rapidement avec la distance. Le son réverbéré est celui qui résulte des réflexions multiples des murs, du plafond, et des objets dans l'espace, créant un effet d’ambiance.
  2. Déterminer la distance critique : Plus on se trouve proche de la source (à une distance inférieure à la distance critique), plus le son direct prédomine, et le son capté est clair et net. En revanche, au-delà de cette distance, le son réverbéré devient dominant, ce qui peut rendre le son plus flou ou brouillé.
  3. Utilisation pratique : Dans une salle avec une grande réverbération, placer le microphone à une distance inférieure à la distance critique permettra d'obtenir un son plus sec et précis, tandis qu'enregistrement au-delà de cette distance intègrera davantage d'ambiance et de réverbération de la pièce.

Le plateau du studio a un RT60 faible (environ 0,4s) : la distance critique est donc relativement éloignée de la source. Ce qui permet de mieux travailler notre rapport angulaire à la source.

Ici nous avons un couple ORTF, pour couvrir la batterie de manière « réaliste ». Ce système, inventé par Albert Laracine, technicien de l'ORTF, comprend des micros cardioïdes avec des capsules à 17cm de distance qui donnent un angle de captation d'environ 100°.

2 M149 en ORTF

Nous avions fait l'expérience en utilisant une directivité Hypo cardio et un écart un peu plus grand, ce qui augmente légèrement l’angle de captation (environ 130°). L'angle était devenu trop grand donnant un effet trop "ambiance". Nous sommes restés en cardio.

Nous avons utilisé des Neumann M149 jubilé « anniversary » qui ont de meilleurs performances par rapport à des M149 "traditionnels". C’est une capsule K47 avec une grande dynamique qui résiste à des pressions assez élevées.

Les ambiances :

Les ambiances "proches" sont captées avec des Royer R122, micros ruban actifs. On utilise le 48V non pas pour polariser la capsule mais pour alimenter les préamplis qui sont à l’intérieur. C’est un micro bi-directionnel, comme son frère le R121 sauf que lui est légèrement "asymétrique" dans sa directivité.

Pour les plus éloignés, nous avons des DPA 4003, très neutres sur lesquels on peut mettre des capsules de diffraction. Dans notre cas, ce sont des omnis purs. Ici en configuration AB avec 34 cm de distance. Ils sont compressés à la prise pour donner un côté plus « live » avec des distressors.

Basse et guitare électrique

Pour la basse, nous avons utilisé un préampli NEVE 1073 couplé avec un distressor pour maitriser un peu la dynamique.

La guitare électrique a été enregistrée à travers le pédalier Line 6 Helix.

Piano

Le couvercle du piano à queue joue un rôle crucial dans le positionnement de nos micros. Rappelons que sa fonction principale est de diffuser le son de l'instrument. Sa position naturelle, à 45° sur la grande béquille, permet une ouverture optimale. Dans notre cas, nous avons tout simplement retiré le couvercle afin de capter la ligne médiane ou la ligne de force des cordes, qui passe par le centre de chaque corde, au point d’amplitude maximale des vibrations. C’est dans cette zone que vous avez le meilleur équilibre spectral.

Les trois Neumann M149, positionnés à plat et réglés en hypocardioïde, présentent une légère sensibilité à l'arrière et offrent ainsi une restitution des basses plus naturelle. Dans cette configuration, ils ne forment pas un couple au sens strict, mais ils sont soigneusement alignés en hauteur. Ainsi nous avons la répartition de la table d’harmonie avec le grave plutôt au centre.

Voix

Pour notre voix nous avons mis en compétition 2 micros :

  • ELAM 251 (Telefunken)
  • Neumann M49

Ils ont été associés au préamplificateur/EQ Classe A Neve 1073 et son médium ravageur reste un choix de premier ordre sur les voix. La dynamique a été traitée avec un Summit TLA100 qui sonne un peu comme un LA2A, le fameux compresseur optique à lampe. Il est préférable de travailler avec un facteur lent sinon il faut le coupler en série avec un compresseur rapide en amont.

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