REPORTAGE

Rencontre avec Veronica Ferraro

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🎧 Véronica Ferraro : du studio Ferber aux Grammy Awards, le parcours d’une ingénieure du son qui a façonné la pop-électro mondiale

Peu de parcours dans l’univers du son conjuguent à ce point rigueur technique, audace artistique et destin inattendu. De ses débuts au mythique studio Ferber à Paris jusqu’aux Grammy Awards à Los Angeles, Véronica Ferraro a construit un chemin singulier, guidé par la passion, la curiosité et l’humain.

« J’ai eu la chance d’apprendre à une période charnière. On passait du ruban au pixel, mais avec la même exigence d’écoute. »

Tout commence en 1986. Le studio Ferber, fondé par son père et René Ameline, est alors un haut lieu de la création musicale française. Véronica y entre comme assistante de Sophie Morizet, une pionnière de la programmation de synthétiseurs. C’est là qu’elle découvre la transition de l’analogique vers le numérique, à une époque où arrivent l’Atari, le Macintosh et les premiers synthés digitaux.

« J’ai eu la chance d’apprendre à une période charnière. On passait du ruban au pixel, mais avec la même exigence d’écoute. »

Cette immersion lui apprend tout : la prise de son, la gestion de sessions, l’équilibre subtil entre technique et émotion. Elle enregistre des projets très variés, du jazz à la variété, en passant par les premières expérimentations électro.

En 1992, Véronica tente une aventure audacieuse : elle envoie une cassette à New York pour présenter son groupe à un label. Par un hasard heureux, la bande arrive jusqu’à Nile Rodgers, producteur mythique de Chic et de David Bowie. Elle part alors aux États-Unis pour tenter sa chance. Mais la réalité administrative la rattrape : sans permis de travail, impossible de s’imposer durablement.

« C’était une expérience incroyable, mais j’ai dû rentrer. J’ai toujours vu ça comme une étape, pas comme un échec. »

De retour à Paris, le hasard — ou le destin — la remet sur la route de Sophie Morizet, son ancienne mentor, croisée… sur le périphérique ! Une rencontre symbolique, juste avant un nouveau tournant.

De retour au studio Ferber, Véronica participe à l’un des projets les plus marquants de sa carrière : l’album Bevilacqua de Christophe.

Sept mois de travail en studio, jour et nuit, sur un disque expérimental, poétique et audacieux. Elle y enregistre, co-arrange et mixe, au plus près de l’artiste.

« Christophe m’a appris à écouter autrement. Avec lui, chaque son avait une âme. »

Cette collaboration change sa manière de travailler : elle découvre le mixage comme un acte artistique

À la fin des années 1990, Véronica quitte Ferber pour voler de ses propres ailes. Elle monte son propre studio, travaille avec la scène jazz et électro française, et façonne peu à peu une identité sonore personnelle. Loin des grands studios, elle explore de nouvelles textures, développe son oreille et s’émancipe des codes établis.

C’est en 2008 que tout bascule. Frédéric Riesterer lui propose de mixer un titre pour David Guetta et Kelly Rowland. Le morceau s’intitule When Love Takes Over.
Véronica y apporte un son pop à une base électro — une approche inédite à l’époque. Le titre devient un tube planétaire, numéro 1 dans 17 pays, et lui vaut une nomination aux Grammy Awards.

« J’ai mixé ce titre sans me douter de l’ampleur qu’il allait prendre. Quand j’ai su qu’il était nommé aux Grammy, j’ai cru à une blague ! »

Ce succès la propulse sur la scène internationale. Son nom devient rapidement une référence dans le monde du mixage électro-pop.

Grâce à cette reconnaissance, Véronica croise la route du producteur Billy Mann, qui devient son manager et lui ouvre les portes de Los Angeles. Elle collabore avec Pink, Rihanna, Chris Brown, Eva Simons et bien d’autres. Pink, impressionnée par son travail, ira jusqu’à tweeter :

« Une femme qui mixe, Véronica Ferraro — incroyable ! »

Dans un milieu encore très masculin, ce message a valeur de symbole. Véronica devient un modèle de réussite et d’inspiration pour toute une génération d’ingénieures du son.

Véronica Ferraro revendique une approche très personnelle du mixage. Elle refuse les “templates” préfabriqués et repart toujours d’une page blanche.

« Chaque morceau a sa logique interne. Si on part avec une idée préconçue, on perd la magie. »

Elle privilégie le hardware au tout-numérique, pour la chaleur et la présence sonore qu’il procure. Son secret ? Toujours écouter une seule fois la session avant de commencer, pour conserver la fraîcheur de la première impression.

Son mix allie précision, énergie et émotion : une signature sonore immédiatement reconnaissable.

Aujourd’hui, Véronica Ferraro consacre aussi du temps à la transmission. Elle accompagne de jeunes artistes qui cherchent à franchir un cap dans leur carrière, souvent « du deuxième au troisième album ». Elle partage son expérience, sa vision du métier et sa conviction que la curiosité est la meilleure arme dans ce domaine en perpétuelle évolution.

« Rien n’est inaccessible. Si tu travailles, si tu écoutes, si tu es curieux, les portes finissent par s’ouvrir.

De la console analogique de Ferber aux écrans haute résolution des studios de Los Angeles, le parcours de Véronica Ferraro raconte une histoire de passion, d’obstination et d’évolution constante. Elle a su traverser les époques, les technologies et les styles sans jamais perdre de vue l’essentiel : le son comme émotion partagée.

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